La Boite à Musiques : Leïla Olivesi
1 oct. 2025
LA BOITE A MUSIQUES
LEÏLA OLIVESI
“ J’ai essayé de rendre hommage à l’Afrique à la façon d’Ellington ”
La pianiste, compositrice et cheffe d’orchestre Leïla Olivesi, publie le remarquable “African Rhapsody”, septième album sous son nom et troisième disque avec son fabuleux octet. Une œuvre mature et profondément aboutie aux arrangements et aux couleurs orchestrales soignées. Une excellente occasion de la rencontrer et de lui proposer un blind test avant son concert du 23 octobre au Bal Blomet (concert Jazz Magazine). Au menu : Chefs d’orchestre, compositeurs, pianistes, saxophonistes et une chanteuse.
aux platines Lionel Eskenazi / photo Solène Person
DUKE ELLINGTON & HIS ORCHESTRA
Suite N°2 “Liberian Suite” (Columbia, 1949)
C’est le grand maître Duke Ellington dans une de ses suites orchestrales. Ça pourrait bien être la “Liberian Suite”. C’est une œuvre très intéressante qu’il a jouée en entier au Palais de Chaillot en 1950 et qui a été sifflée par le public parisien qui voulait entendre les tubes du répertoire d’Ellington ! Duke a effectué son unique voyage en Afrique en 1966, alors qu’il a rendu hommage à ce continent dans sa musique pendant près de 35 ans sans y avoir mis les pieds. Il a inventé une Afrique imaginaire, très inspirée et pleine d’émotions. Avec “African Rhapsody”, j’ai essayé moi aussi de rendre hommage à l’Afrique à la façon d’Ellington, mais à l’exception de ma relecture de Little African Flower, ce n’est pas un hommage à Duke, puisqu’il s’agit d’une musique que j’ai entièrement composée et arrangée pour mon octet. Ma vision de l’Afrique rend hommage aussi aux femmes et aux textes des poètes de la négritude, à travers une musique que j’ai voulue joyeuse et jubilatoire, mais aussi profonde et spirituelle. Enfin, Ellington est un modèle pour moi car il écrivait ses partitions spécialement pour ses musiciens qu’il connaissait parfaitement bien et c’est également ma démarche avec mon orchestre.
WAYNE SHORTER
Angola “Alegria” (Verve, 2003)
C’est Wayne Shorter, je ne me rappelle plus le nom du morceau, mais c’est dans “Alegria” qui est l’un de ses disques que je préfère. C’est une relecture d’une de ses compositions des années 1960, mais jouée complètement différemment, c’est là tout le talent de Wayne, il prenait un malin plaisir à remanier et à transformer ses compositions. Pour moi, c’est l’un des plus grands compositeurs de jazz avec une vision de la musique très personnelle, portée par une direction très précise. Ses morceaux sont sublimes et organiques et en apprenant son décès, j’ai voulu lui rendre hommage dans “African Rhapsody” sous forme de clin d’œil, en composant un morceau que j’ai intitulé Wayne Left Town en référence à son fameux Lester Left Town.
MULGREW MILLER
Carousel “Solo” (Spacetime, 2010)
J’aime bien, mais je ne vois pas qui c’est ? (après lui avoir révélé l’identité du pianiste) ah oui, je n’y avais pas pensé, pourtant je l’ai bien connu, j’ai fait un stage avec lui en Italie, il y a une vingtaine d’années. Il m’a transmis beaucoup de choses sur les formes harmoniques et m’a donné des conseils pour progresser en m’expliquant sa méthode : « Faire un travail intérieur en jouant ce qu’on entend dans sa tête de façon organique, mais en travaillant ses phrases très lentement ». C’était un grand maître du piano qui jouait parfaitement bien la musique afro-américaine en connaissant par cœur les racines de cette musique.
ELISABETH KONTOMANOU (featuring GERI ALLEN)
Trouble of the World “Secret of the Wind” (Plus Loin Music, 2012)
C’est Elisabeth Kontomanou avec Geri Allen ! Elisabeth est l’une des plus grandes chanteuses que je connaisse et avec qui j’ai eu le plaisir de travailler. Sa voix est parfaite, puissante et agile. J’ai d’abord rencontré son fils Donald avant de la connaître et tout naturellement je lui ai demandé si elle voulait bien chanter sur mon album “L’Etrange Fleur” en 2007 et pour mon plus grand bonheur, elle a accepté ! Quant à Geri Allen, c’est quelqu’un d’important qui m’a beaucoup inspirée. Lors d’un concert d’Ornette Coleman en quartette avec elle en 1994 à Jazz à la Villette , j’ai fini par comprendre la musique d’Ornette en me concentrant sur le jeu de piano de Geri qui m’a complètement fascinée ! Plus tard, je l’ai rencontré grâce à Elisabeth Kontomanou et lorsqu’elle est morte en 2017, je lui ai dédié le morceau Geri’s House sur mon album “Suite Andamane”.
DAVID BINNEY
New-York Nature “South” (Act, 2001)
C’est David Binney, j’adore ce morceau et l’album“South” en entier, j’aime beaucoup aussi son disque suivant : “Balance”. C’est un musicien que l’on identifie tout de suite par son jeu au saxophone alto, la modernité et la complexité de ses compositions ainsi que son placement rythmique. J’ai grandi en écoutant sa musique qui m’a beaucoup inspirée et puis un soir je suis venu l’écouter au Duc des Lombards et nous avons discuté ensemble et échangé. Pour mon album “Utopia” que j’ai enregistré en quartette en 2014, j’avais envie de la présence d’un soufflant sur plusieurs titres et j’ai donc contacté David Binney qui a accepté et qui est venu de New-York spécialement pour l’enregistrement de l’album !
CD : “African Rhapsody” (Attention Fragile & ACEL), sortie : 17 octobre.
CONCERTS :
9 octobre “Trio” Piano en Valois (Théâtre d’Angoulême, 16)
23 octobre“African Rhapsody” Bal Blomet (Paris, 75)
13 décembre “African Rhapsody” Moulin d’Andé (Andé, 27)


