James Brown "Think" (Wagram Music)
24 sept. 2018
THINK
La collection « Music Legend » rend hommage à l’un des plus grands héros de la musique afro-américaine, The Soul Brother n°1: Mr James Brown, en réunissant seize titres majeurs enregistrés à ses débuts, entre 1956 et 1962. Sa première chanson Please, Please, Please, sera un énorme tube dès sa parution en mars 1956 (vendu à près d’un million d’exemplaire), où il est très inspiré par la musique soul que Ray Charles venait d’inventer l’année précédente lorsqu’il créaI Got A Woman. Ray Charles a utilisé les fondamentaux du gospel en changeant les paroles,parlant ouvertement du désir sexuel, plutôt que de l’amour de dieu. C’est exactement ce que fait James Brown en suppliant une femme de ne pas le quitter dans Please, Please, Please,avec une conviction et une intensité proche du chant gospel.Un gospel typique avec ses appels, hurlés par le chanteur vedette, et ses réponses, scandées par les choristes, très inspiré par la version de Baby PleaseDon’tGo, enregistré par le groupe vocal The Orioles quatre ans plus tôt. Avec TryMe en 1958, dans la même veine soul, il obtient la première place dans les charts R&B. Suivront sa version endiablée de Think en 1960, crééà l’origine par les Five Royales dans un style beaucoup plus sage. Toujours en 1960, il réalise de nouveau un gros succès avec le sulfureux I’ll Go Crazy et transfigure complètement une chanson mettant en scène un enterrement : The Bells, chantée à l’origine par Clyde McPhatter, en un blues prégnant, où il s’effondre en larmes et sanglote. Avec LostSomeone, James Brown a composé son morceau de bravoure idéal pour la scène, où il rentre en communion avec son public, complètement déchaîné et extraverti, porté par des cris hystériques de femmes. La version dans l’album « Live At The Apollo » (1962) durant près de dix minutes, nous avons choisi de vous présenter la version studio de 1961 (3’29) déjà très significative. En 1962, James Brown remporte un franc succès avec un morceau instrumental particulièrement swinguant : Night Train, où sa voix énumère les différentes gares desservies par un train de nuit particulièrement rock’n’rollet festif. Enfin, en cette même année 1962, il invente déjà les prémices du funk avec ses rythmes syncopés, portés par un jeu de batterie frénétique,dans le fameux et irrésistible I’veGot Money.
JAMES BROWN
On l’a surnommé « Mr Dynamite » pour sa formidable énergie ou « The Godfather of Soul » pour sa contribution aux grandes pages de la musique soul, James Brown est aussi l’inventeur d’un style musical, qui 50 ans plus tard, fait toujours trembler lesdance-floor: le Funk ! Il est un héros et l’une des personnalités afro-américaines les plus importantes de la deuxième moitié du XXème siècle, au même titre que Miles Davis, Cassius Clay, ou Martin Luther King. A la fois chanteur, auteur, compositeur, et homme d’affaire, il est devenu une conscience morale, et un leader incontesté de la communauté noire américaine. Entre 1956 et 1998, il place 119 chansons dans les charts noirs du Billboard (un record inégalé à ce jour) dont 17 numéros un !
Né dans une famille pauvre de Caroline du Sud, ce petit fils d’esclave qui a failli mourir dès sa naissance, apprend à chanter à l’égliseà Augusta en Georgie, où il grandit. Après avoir été abandonné par ses parents, il est élevé dans la misère par sa tante, qui tient une minable maison close. Il collectionne les petits boulots et apprend les rudiments du blues, mais c’est surtout le gospel qui le touche profondément, car il y trouve fierté et espoir. A l’âge de 16 ans, il passe trois années en prison pour avoir volé une voiture. A sa sortie, il intègre un groupe de gospel où chante son ami Bobby Byrd, rapidement il transforme le groupe en une formation de rhythm& blues qu’il nomme : The FamousFlames. Le groupe enregistre une maquette Please, Please, Please qui va intéresser le label Federal (sous-marque de la firme King Record). Lorsque le titre est publié, en mars 1956, il se hisse à la cinquième place des charts R&B et se vend à près d’un million d’exemplaire. Deux ans plus tard, James Brown et les FamousFlamesvont même encore plus loin, puisqueTry Me sera n° 1 des charts R&B. La carrière de James Brown est dorénavant lancé et plus rien ne l’arrêtera. Il fera de la scène son petit théâtre personnel où, transfiguré, il chante et trépigne jusqu’à l’épuisement, à l’image des prêcheurs et autres prédicateurs possédés par l’esprit divin. Il entre en communion avec son public à travers une grande tension émotionnelle qui aboutit à un véritable état de transe. Une performance à la fois physique et spirituelle, où il met son âme à nue, poussé par une musique effervescente et volcanique qui porte si bien le nom de soul music. Ses trois albums live enregistrés à l’Apollo de Harlem en témoignent, à commencer par le premier, qu’il produit lui-même (suite au refus de sa maison de disque en 1962), et qui remporte un succès phénoménal. En cette même année 1962, à l’écoute du single I’veGot Money, on est surpris dès l’intro par le rythme syncopé qui s’immisce entre la voix, la guitare rythmique, et la batterie. Cette dernière propulse un beat très novateur au groove puissant, qui donne irrésistiblement envie de danser, ce sera les prémices d’un nouveau style musical que l’on appellera près de dix ans plus tard : Le Funk ! Au cours des années 1960, James Brown va continuer dans cette voie et remporter beaucoup de succès avec des titres majeurs comme Papa’sGot A Brand New Bag, I Feel Good, ou Cold Sweat. En 1968, année du décès de Martin Luther King, James publie une chanson à forte portée politique, elle servira d’étendard à tout une population afro-américaine qui a envie de changement : Say It Loud-I’m Black and I’mProud(Dîtes-le fort, je suis noir et j’en suis fier !). En 1970, devenu le grand maître du funk avec son groupe The JB’s (où l’on trouve entre autre le saxophoniste Maceo Parker), il publie Sex Machine qui va le rendre célèbre sur les pistes de danse du monde entier, bientôt suivi par Super Bad, Hot Pants, et Get On The Good Foot. A partir des années 1975-1976, le funk est détrôné par le disco, et James Brown, sans aucun complexe, mettra son funk à la sauce disco, jusqu’à intituler un de ses albums : The Original Disco Man ! Le succès n’est pas au rendez-vous et après une apparition remarquée dans un rôle de prédicateur dans le film « The Blues Brothers » en 1980, il faudra attendre 1986 pour le voir de nouveau triompher grâce à Living In America. Ce morceau sera le fer de lance de la bande-son de Rocky 4, qui sera le plus gros succès cinématographique de Sylvester Stallone, et fera bonne figure dans l’album Gravity. Un disque qui marche bien et relance sa carrière, bientôt suivi par I’m Real en 1988, où il est accompagné par le groupe Full Force. Entre 1988 et 1991, il retourne à la case prison, après avoir forcé un barrage de police au cours d’une course-poursuite épique où il a littéralement « pété les plombs » suite à sa consommation effrénée d’une drogue particulièrement néfaste et dangereuse :l’angeldust.La dernière partie de sa vie sera assez pathétique, entre ennuis de santé, cures de désintoxication, et violences conjugales. Il continuera tout de même à se produire sur scène jusqu’au bout, mais ne remportera plus de succès discographique. Il disparaitra le 25 décembre 2006, à l’âge de 73 ans, suite à une pneumonie, mais sa musiqueva continuer longtempsà demeurer vivante, à travers toutes les reprises de ses chansons, et les multiples échantillonnages de ses tubes par les rappeurs.
Lionel Eskenazi.