Dossier "The Beatles : Let it be... Jazz!"

1 déc. 2025

LES BEATLES & LE JAZZ

Chris Connor 

A Hard Day’s Night (“Sing Gentle Bossa Nova”, ABC Paramount, 1965)

Aux Etats-Unis, la Beatlemania explose en même temps que la mode de la bossa nova et la chanteuse Chris Connor - cherchant à se renouveler - va mettre de côté le répertoire du jazz pour se mettre à la page. Avec l’aide de son directeur musical Pat Williams, elle va placer l’élégant phrasé de sa douce et suave voix de contralto au coeur d’une orchestration sophistiquée et très singulière du A Hard Day’s Night des Beatles, avec flûte, clavecin et grand orchestre. C’est kitsch, savoureux et brillant. LE

Jean-Luc Ponty 

With a Little Help From My Friends(“More Than Meets The Ear”, Pacific Jazz, 1968)

Après s’être fait remarquer au Festival de Monterey, Jean-Luc Ponty sort en 1968 son premier album sur un label des USA, avec une équipe mêlant musiciens européens et américains. Un disque produit par le débutant Siggi Loch, qui suggère à Ponty de reprendre With a Little Help From My Friends. Cette version instrumentale plutôt singulière est portée par la trompette de Carmell Jones qui dialogue avec la batterie de Daniel Humair, relayée par un  fascinant solo de violon de Ponty. LE

Gabor Szabo 

I’ve Just Seen A Face (“1969”, Skye, 1969)

Le guitariste hongrois Gabor Szabo s’est très vite intéressé à la pop music dans les années1960 et réalise en 1969 aux USA, un album instrumental entièrement consacré à des reprises de chansons pop. On y trouve des relectures de compositions de Joni Mitchell et Buffy Sainte-Marie, ainsi que quatre chansons des Beatles. Parmi elles, sa reprise du superbe I’ve Just Seen A Face (tiré de “Help”) qu’il magnifie au son unique de sa guitare et avec la complicité de l’organiste Mike Melvoin. LE

Jimmy Scott 

Jealous Guy (“Holding Back The Years”, AO ! Records, 1998)

Cette chanson post-Beatles, tirée du célèbre “Imagine” de Lennon, a été beaucoup reprise, mais c’est la déchirante version d’un Jimmy Scott de 73 ans, qui nous interpelle. Il a conservé toute sa vie, sa voix d’enfant, une voix angélique de soprano, qui en vieillissant, atteint des sommets d’expression emotionnelle. Accompagné sobrement d’un quartet où se détache le guitariste Matt Munisteri, Jimmy Scott nous bouleverse à jamais en maitrisant à merveille l’art du vibrato. LE

Larry Corryell 

She’s Leaving Home (“Tricycles”, Out Records, 2003)

C’est à l’âge de 60 ans, sur un disque en trio, que le guitariste Larry Coryell décide de reprendre cette très belle chanson de McCartney, tirée de “Sergent Peppers”. Une mélodie sublime portée par une belle richesse harmonique, que Coryell décide de jouer seul à la guitare acoustique, sans re-recording, ni effets. Un arrangement fin et élégant d’une grande pureté sonore, joué avec maestria par un virtuose de la six cordes qui nous manque éperdument. L.E

David El-Malek 

And I Love Her (“Talking Cure”, Cristal Records, 2003)

C’est l’une des chansons des Beatles les plus reprises par des jazzmen, que ce soit par des vocalistes ou (comme ici) par des instrumentistes. En quartette, comme son idole John Coltrane interprétant ses célèbres “Ballads” , le saxophoniste français David El Malek joue cette magnifique mélodie sans sortir du texte, développant un chorus inspiré et concis, entouré d’une rythmique exemplaire au groove raffiné et élégant (Pierre de Bethmann, Rémi Vignolo et Franck Agulhon). LE

Anne Ducros 

Sexy Sadie (“Urban Tribe” , Dreyfus Jazz, 2007)

Pour son quatrième album chez Dreyfus Jazz, la chanteuse française Anne Ducros chante essentiellement des relectures de standards de jazz, mais aussi deux chansons pop de l’année 1968 :  le Sittin’On The Dock Of The Bay d’Otis Redding et la composition de John Lennon Sexy Sadie – rarement reprise – qui figurait dans le fameux double album blanc. Elle en fait une envoûtante chanson de jazz, épaulé par l’élégant piano d’Olivier Hutman et le saxophone chantant d’Ada Rovatti. LE

Michel Benita 

Blue Jay Way (“Ethics” , Zig-Zag Territoires, 2010)

Quelle bonne idée de reprendre ce morceau peu connu de George Harrison, tiré de la période psychédélique des Beatles en le confrontant à l’electro-world -jazz-planant que le contrebassiste Michel Benita explorait en ce début de XXI ème siècle, depuis la sortie de “Drastic” en 2004. Le thème - joué à la contrebasse - est enrichi par le koto de Mieko Miyasaki, la guitare atmosphérique d’Eivind Aarset, le bugle planant de Mathieu Michel et les rythmiques envoûtantes de Philippe Garcia . LE

Manuel Rocheman & Nadine Bellombre 

Come Together (“Paris-Maurice” , Berlioz Production, 2014)

En voyageant à l’Ile Maurice, le pianiste français Manuel Rocheman a découvert le talent de la chanteuse mauricienne Nadine Bellombre, lui donnant envie de collaborer avec elle.

Ce projet cross over inclut des compositions de la chanteuse, empreintes d’identité Mauricienne et de Manuel Rocheman plus orientées vers le jazz et puis l’idée géniale de reprendre Come Together dans une relecture passionnante gorgée de couleurs et de groove avec la guitare incisive de Patrick Desvaux. LE

Sinne Eeg & Thomas Fonnesbaek 

The Long & Winding Road (“Staying In Touch”, Stunt Records, 2021)

Il faut bien avouer que la mélodie de The Long & Winding Road composée par Paul McCartney est irrésistible. Après, tout est une histoire d’arrangement, car Paul préférait nettement la version dénudée de “Let It Be Naked” plutôt que celle arrangée par Phil Spector - à grande charge de violons - sur l’album officiel. La chanteuse Sinne Eeg choisit elle aussi le dénuement en proposant cette sublime version en duo avec le contrebassiste Thomas Fonnesbaek, autour d’un dialogue musical émouvant et sensible.

Connie Evingson 

“Let It Be Jazz” (Minnehaha Music, 2003)

Cette chanteuse américaine à la voix sensuelle - peu connue en France – effectue pourtant une belle carrière aux USA depuis les années 1980, où elle a notamment tourné avec Wynton Marsalis et le Jazz at Lincoln Center. Elle connaît et maîtrise parfaitement bien tous les standards de Broadway et voue depuis longemps une profonde admiration pour les chansons des Beatles. Elle y consacre d’ailleurs l’intégralité de son cinquième album :“Let It Be Jazz”, entourée d’excellents musiciens, autour d’un répertoire judicieux aux arrangements pertinents, tels ceux de Can’t Buy Me Love, I’m Looking Through You, Fixing a Hole ou Oh Darling. LE

The Dave Liebman Trio 

“Lieb Plays The Beatles” (Daybreak, 2013)

Avant de devenir un grand saxophoniste de jazz, le jeune Dave Liebman a d’abord étudié la musique classique en tant que pianiste, puis il a découvert à la radio le rock’n’ roll, puis la pop music des Beatles qui l’ont profondément marqués. En 2013, âgé de 67 ans, il décide de revenir à ses amours de jeunesse et d’enregistrer un album entier consacré aux quatre anglais. Un disque en trio (sax, basse, batterie) sans instrument harmonique, augmenté par le saxophoniste (et clarinettiste) John Ruocco suivant les titres. Une très belle réussite, joyeuse et sincère, d’où se détachent trois medleys pertinents, une version réjouissante de While My Guitar Gently Weeps et un Black Bird d’anthologie. LE

FRED HERSCH

Fred Hersch Trio For No One (“Sunday Night At The Vanguard”, Palmetto, 2016), Fred Hersch Solo When I’m Sixty Four(“Songs From Home”, Palmetto Records, 2020)

Né en 1955, le jeune pianiste classique que fût Fred Hersch s’intéressait aussi à la musique des Beatles et en particulier aux compositions de Paul McCartney. Cinquante ans après sa parution, il décide de reprendre la très belle chanson For No One, tirée de “Revolver” , pour son trio de l’époque (composé de John Hebert & Eric McPherson). L’enregistrement a lieu en public dans sa salle fétiche du Village Vanguard dans une version particulièrement émouvante et sensible. Quatre ans plus tard, pendant le confinement , il enregistre seul chez lui le très beau “Songs From Home” et comme il avait 64 ans à ce moment là, il décide de reprendre le fameux When I’m Sixty Four, tiré de“Sergent Peppers”. LE

SYLVAIN LUC & BIRELI LAGRENE

Sylvain Luc & Bireli Lagrène Blackbird (“Duet”, Dreyfus Jazz, 1999), Bireli Lagrène : Something (“Gypsy Trio”, Dreyfus Jazz, 2009), Sylvain Luc : Yesterday (“Standards”, Dreyfus Jazz, 2009)

Ils sont nés à un an d’écart, l’un au Pays Basque et l’autre en Alsace et et ils font partie des tout meilleurs guitaristes de jazz français. Lorsqu’ils se sont rencontrés, le courant est tout de suite passé car ils aiment tous les deux improviser, prendre des risques et dialoguer en duo. Cette fascinante collaboration a démarré sur disque en 1999 avec de nombreuses reprises, dont une sublime version acoustique de Blackbird, où leurs cordes s’entremêlent avec bonheur. Ils ont aussi rendu hommage aux Beatles chacun de leur côté : Bireli en trio, dans une version jazz manouche très réussie du Something de George Harrison et Sylvain en solo, dans une touchante et délicate relecture de Yesterday. LE

TROIS PIANISTES EUROPEENS

Stefano Bollani : Norwegian Wood (“Smat Smat”, Label Bleu, 2003), Baptiste Trotignon Julia ( “Solo II”, Naïve, 2005), Joachim Kühn Lucy In The Sky With Diamonds (“Poison”, In + Out Records, 2005)

Les  pianistes de jazz, fascinés par les mélodies des Beatles, sont attirés par le terrain de jeu qu’elles permettent de développer à travers l’harmonisation et l’improvisation. Parmi eux, trois européens dotés d’une technique époustouflante, qui s’intéressent particulièrement aux compositions de John Lennon. L’italien Stefano Bollani, propose une courte version en piano solo de Norwegian Wood, délicate et lyrique. Le français Baptiste Trotignon, également en solo, s’attaque à Julia, dans une version rapide sous forme d’une valse lancinante, Quant à l’allemand Joachim Kühn, il reprend en trio le célèbre Lucy In The Sky With Diamonds dans une version profondément habitée et largement improvisée. LE

LE LABEL ACT

Solveig Slettahjell Because (“Domestic Songs” , Act, 2007), Jan Lundgren Trio Here, There & Everywhere (“European Standards”, Act, 2008), Nguyên Lê & Youn Sun Nah Eleanor Rigby ( “Songs of Freedom”, Act, 2011), Julian & Roman Wasserfuhr Nowhere Man (“Running”, Act, 2013), Iiro Rantala All You Need Is Love “My Working Class Hero” (Act, 2015), Vincent Peirani & Serena Fisseau And I Love Her (“So Quiet”, Act, 2019), Nils Langren / Michel Wollny / Lars Danielsson / Wolfgang Haffner Lady Madonna (“4 Wheel Drive”, Act, 2019)

Né en 1940 - la même année que John Lennon - Siggi Loch, patron du label Act, a toujours apprécié la pop music en général et les Beatles en particulier. Au fil des ans, il va multiplier les publications jazz de reprises de chansons pop. Concernant les Beatles, il encourage les musiciens à se démarquer des originaux afin de proposer des relectures singulières. C’est le cas de la chanteuse norvégienne Solveig Slettahjell qui transforme Because en une lancinante parade de cirque sophistiquée. Le trio du pianiste suédois Jan Lundgren produit avec Here, There & Everywhere, un morceau de jazz enlevé et joyeux, tandis que le guitariste Nguyên Lê en compagnie de la chanteuse Youn Sun Nah réinventent Eleanor Rigby dans un imaginaire asiatique fascinant. Les frères Wasserfuhr, Julian le trompettiste et Roman, le pianiste, interprètent avec beaucoup de sensibilité le superbe Nowhere Man. Le pianiste finlandais Iiro Rantala, en piano solo, réalise un album entier consacré aux compositions de John Lennon, où se démarque un subtil et romantique All You Need Is Love. Pour leur album en duo, l’accordéonniste Vincent Peirani et sa femme chanteuse Serena Fisseau, proposent une version épurée et sensuelle de And I Love Her. Enfin, le quartet maison constitué du tromboniste Nils Landgren, du pianiste Michael Wollny, du contrebassiste Lars Danielsson et du batteur Wolfgang Haffner, produit une joyeuse et swingante relecture de Lady Madonna, autour d’un son de groupe réjouissant. LE